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Décembre Difficile par Jean-Paul Klée



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JEAN-PAUL KLÉE, L’ŒIL SACRÉ DU POÈTE Comment vivons-nous ? Avec à peine plus de moralité que des animaux. Quêtant pour obtenir des conforts et des distractions optimums, nous nourrissons nos ventres de délices et pour les plus audacieux nous tentons de croître vers un rêve, une vérité ou une formule. Dans cette cité improbable où nous demeurons sans savoir pourquoi les dieux nous ont à demi libérés de notre condition de bête en nous offrant une conscience, déambule l’Œil Sacré du Poète. L’œil de Jean-Paul Klée est couplé à un dialecte qu’il a su créer dans les langues préexistantes, et nous le comprenons, et nous nous reconnaissons, nous, les fruits de ses observations. Il n’est pas question pour moi de disséquer ici la poésie de Jean-Paul, des spécialistes et biographes s’y emploient déjà. Mon introduction, modeste, vise celui qui n’aurait pas encore croisé ce grand barbu blanchi… que je décris ici dans un poème tout personnel d’octobre 2010 :


JPK

J’ai croisé Jean-Paul Klée

dans le Strasbourg couchant,

ses mains jointes dans le dos

portaient sa sacoche de mots,

poésie inspirée de faits réels.

Un enfant jouait à enjamber

son ombre longue de 70 années,

alors qu’à l’arrêt, le poète

consultait un mendiant…

sur le temps qui ne passe pas,

sur la vie qui fausse compagnie,

sur la solitude des foules,

sur l’invisibilité épinglée,

sur la qualité des sous-ponts,

sur la fermeture des visages,

sur le Christ-j’ai-failli-attendre. Et puis, l’enfant le premier,

nous nous sommes retournés

vers le soleil invincible…

les quatre âges de la vie

guettant en pleine conscience

le spectacle éphémère

d’un jour qui se supprime.



Lorsque je rencontre pour la première fois ce poète, c’est à travers la lecture de son livre Poëmes de la noirceur de l’Occident, et j’ai obtenu ce que je recherche en poésie : des arcs d’électricité qui éclairent l’esprit. De quel silence le poète doit-il faire usage afin de faire entrer l’autre dans son palais mental, Jean-Paul Klée a cette capacité d’écoute, d’absorption de son environnement, tous viennent à lui de manière vierge tant ce poète sait taire ses préjugés. Dans chaque recueil il nous dresse une étonnante galerie de personnages qui ont fait son quotidien pour un instant et dans ce nouveau livre vous allez croiser entre autres : Michel ancien pion à Brumath, un Égyptien et sa femme grosse de trois mois, deux mamas de Bucaresti, Jacky (un mec bien), Ludwig Richter… Le drôle est que je peux mesurer l’ampleur de la traduction des faits réels vers sa poésie, puisque je me trouve aussi dans l’Ouvertüre de sa galerie : « le poète au grand chapeau du kafé Brandü. » Notre conversation tournait autour du capharnaüm moyen-oriental d’où je revenais (Émirats arabes unis : rencontre avec la poétesse Farah Chamma). Sa vue omnisciente est intrigante, je ne l’avais pas considéré ainsi : deux poètes (certainement aux pieds sales) discutant avec énergie dans le décorum bourgeois du café et qui plus est par un beau dimanche à l’heure du petit-déjeuner : d’explosions, d’enfants massacrés, de vautours affamés de pétrole, de civils süppliciés… Certains ont pu en sourire, d’autres se lever pour partir. Peu importe. Il n’est pas seulement question des autres, du climat mondial, mais aussi de lui… On ne sait pas bien dire si Jean-Paul Klée craint la grande faucheuse, mais il en parle pour lui-même non sans ironie. On sent qu’elle rode, qu’elle remonte dans le souvenir du père assassiné par les Nazis, ou dans l’enterrement d’un proche. Il paraît tenaillé entre un passé qui resurgit à travers notre présent répétant une symphonie guerrière. Il s’occupe de ses petites affaires, déménageant, classant des papiers, cherche-t-il à se distraire, à tromper la grande obscurité qui vient ? Décembre Difficile, pour lui, pour tous, le poète entre dans l’hiver de sa vie et voit pratiquement l’humanité entière le précéder. Nous finirons par disparaître n’ayant pas eu beaucoup plus de sagesse que les dinosaures. Oui, il semble plein d’amertume, le poète, dégoûté de n’avoir peut-être pas su rendre ce monde meilleur. Lui, qui naquit sous les bombes, et peut-être plus affûté que d’autres pour sentir le soufre transporté dans l’air de notre ère. Mais ce nouveau livre me semble davantage retentir comme une question qu’un avertissement : « Que deviendront vos petits enfants ? », comment va-t-on se tirer de là ?… Souvent, Jean-Paul Klée évoque le regret de s’être peut-être trop investi dans son écriture durant toutes ces années, peut-être aurait-il mieux fallu qu’il agisse, croit-il. C’est qu’il ne mesure pas bien le retentissement de ses mots, de son témoignage sur la jeune génération qui le lit et l’écoute et qui déjà l’interprète. Il est une figure incontournable de la culture française. C’est un honneur pour nous d’ouvrir aujourd’hui cette collection de poésie avec lui. Grégory HUCK, 14 juin 2016

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